Même si les planchers semblent droits, ils ne le sont pas tout à fait. Tous les planchers comportent une déflexion. Ce terme pourrait être grossièrement traduit par la déformation de la structure du plancher une fois mis en service.
La déflexion, ou flèche, est calculée sur la longueur totale de la portée (mesurée en pouces), et divisée par un chiffre précis, 180, 240, 360, etc. Par exemple, pour une portée de 20 pieds avec une déflexion spécifiée de L/360 (240 po/360), on peut s’attendre à obtenir une déflexion de plancher de l’ordre de 5/8 po, L/360 étant par ailleurs la flèche maximale autorisée par le Code de construction actuel pour les planchers intérieurs. Toujours selon le Code, les solives de toit pour des plafonds non finis peuvent être conçues avec une flèche de L/180, ce qui se traduirait par une déflexion de 1-5/16 pouce (environ 34 mm) sur une portée de 20 pieds (environ 6,1 mètres). Bien que la perception d’une déflexion dans la structure ne soit pas nécessairement un signe de rupture potentielle, elle indique tout de même un manque de rigidité de l’assemblage, ce qui pourrait avoir un impact sur les différents finis.
Éléments à surveiller
Dans les bâtiments construits avant les années 60, il est plus commun de retrouver des déflexions pouvant atteindre plusieurs pouces sur une portée. De nombreux facteurs expliquent ces déflexions : une portée trop longue, un espacement excessif des solives, l’appui des murs porteurs décalés, ou toutes ces réponses à la fois. Évidemment, certains signes ne mentent pas. La fissuration dans les finis et tous changements perceptibles récents sont des indicateurs de problème : surcharge, affaissement d’une semelle, etc. Vous devez donc rester vigilants et poser des questions en cas de doute. Mais à quel moment devrions-nous commencer à nous inquiéter?
Nous avons posé la question à Claude Lamothe, ingénieur en structure pour la firme Intrabois : « Il n’y a malheureusement pas de ligne directrice universelle pour savoir à quel moment on doit intervenir en se basant uniquement sur la déflexion. Il faut également considérer le type de bâtiment et son année de construction par exemple, qui feront en sorte qu’on pourra avoir une tolérance plus ou moins grande. Pour les bâtiments plus récents (1980 et plus), on s’attend évidemment à une flèche de l’ordre de L/360, et c’est aussi ce qu’on recommande d’atteindre lorsque des travaux de rénovation importants sont effectués. La remise à niveau d’un plancher est relativement peu coûteuse en comparaison au coût global d’un projet, mais c’est le genre de détail qui permettra de consolider l’investissement effectué dans un bâtiment.
Il est important de réaliser qu’au-delà du nivellement, la résistance peut également devenir un enjeu. Par exemple, lorsqu’un bâtiment ancien exhibe des flèches excessives, cela est généralement causé par une sous-capacité de l’ensemble solives-poutres. Cette sous-capacité peut malgré tout être acceptable, mais si les travaux de rénovation projetés occasionnent le déplacement ou l’ajout de charges permanentes, il faut alors faire les vérifications qui s’imposent et retenir les services d’un ingénieur spécialisé. »
Intégrer le nivellement des planchers à vos travaux
Les travaux en extra qui consisteraient à « raplomber » un plancher pourraient aussi s’avérer très intéressants pour vous dans l’optique où ils vous permettront de travailler beaucoup plus aisément par la suite, au moment d’installer un revêtement de plancher par exemple, ou dans les pièces où il y aura installation d’appareils et de meubles fixes comme la cuisine et la salle de bain.
Un autre facteur à considérer au moment de préparer votre projet est l’état général du support de plancher. De manière générale, les supports de plancher des salles de bain et parfois celui des cuisines seront affectés par les activités récurrentes impliquant l’eau dans ces pièces. Ainsi, dans bien des cas, les supports seront à remplacer de toute manière, du moins en partie. Prévoir l’intégration de travaux de mise à niveau des surfaces pourrait donc faire partie des éléments à considérer dès la première visite chez un client.
Reprise de la charpente du plancher
Dans le cas des déflexions importantes, le recours au béton autonivelant est une avenue qui pourrait sembler intéressante. Par contre, cela peut constituer un ajout de masse considérable. Claude Lamothe abonde dans le même sens que nous sur cet aspect. « Considérant la masse engendrée par un ajout important de béton sur une surface déjà affectée par une déflexion, on risque de voir s’accentuer le problème qu’on tente de régler. Il y a évidemment moyen de procéder à des validations après avoir fait des ouvertures exploratoires, ce qui nous permettra de quantifier un ajout de masse sécuritaire. Ultimement, le béton autonivelant demeure un produit de « fine-tuning » beaucoup plus approprié pour une utilisation ponctuelle sur de petites surfaces. »
Dans ces circonstances, la meilleure solution résiderait donc dans la correction de la structure. Une fois le support de plancher retiré, vous aurez une meilleure idée de ce qui cause la déflexion en question. Bien souvent, vous constaterez des solives de bois en 2 x 8 brutes avec des portées de 12 à 16 pieds, espacées de 24 à 32 pouces. Ajouter de nouvelles solives surdimensionnées et couplées aux anciennes (vissées et collées) ou simplement doubler la quantité de solives peut s’avérer une technique rapide et économique pour remédier définitivement aux déflexions. Plusieurs outils comme le guide Construction de maison à ossature de bois de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) donnent des informations utiles sur le calcul des portées en solives pleines. Assurez-vous de vérifier que vos modifications seront suffisamment rigides pour résister à l’épreuve du temps.
Béton autonivelant
Le béton autonivelant est fréquemment utilisé pour remédier à des déflexions de plancher mineures. Il faut savoir que les épaisseurs d’application minimales et maximales et les exigences relatives au substrat seront appelées à changer selon le produit utilisé. Il est aussi important de savoir que la plupart des bétons dits autonivelants requièrent un travail de mise en place et ne pourront être appliqués jusqu’au point « 0 ». Bien souvent, l’épaisseur minimale d’application de ces produits sera de ¼ de pouce, en fonction du niveau de finition requis et du type de revêtement de plancher. Il faudra, dans bien des cas, terminer le nivellement à l’aide d’un enduit cimentaire applicable à la truelle jusqu’au point « 0 » ou très près de celui-ci.